Révolution et Libertés

Rosa Luxemburg – Les guerres sont des phénomènes barbares

La guerre contre les pauvres

La guerre contre les pauvres
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La guerre s’accentue tous les jours en fonction des mesures prises afin de précariser et de paupériser les salariés. De cette façon, les mesures d’austérité draconiennes vont ralentir l’économie et générer une grande récession à travers des mesures cycliques contre-productives.

Le président de la République et les ministres-députés souhaite accentuer l’effort de redressement des comptes publics dans le cadre de la procédure de déficit excessif à la demande de Bruxelles au nom de l’application du TSCG voulu par Nicolas Sarkozy.

La guerre contre les salariés se retrouve dans un esprit de lutte des classes, comme le soulignait si bien Rosa Luxemburg. Pourtant, elle souligna que les éléments dans le cadre de la révolution de 1789 donnent “la victoire du prolétariat sur la bourgeoisie est au même titre une nécessité historique“. Aujourd’hui, sur le 260 Mds d’euros d’aides aux entreprises, directes ou indirectes, près de 200 Mds sont destinés aux grandes entreprises chaque année et cela se transforme en dividendes pour les actionnaires. Il s’agit du premier budget de l’État, après l’Éducation Nationale et le Service de la dette.

La présidence d’Emmanuel Macron aura fait exploser le déficit public, la dette publique et la pauvreté, tout comme la paupérisation de la société. L’argent public n’a pas bénéficié à la “collectivité”, mais à la fragmentation de cette dernière au nom de la modernisation du capitalisme, notamment du néolibéralisme. Or, les perspectives de croissance structurelle, baisse du chômage structurel et de baisse de la pauvreté ne sont pas au rendez-vous. Qui l’eut cru ? Nous savions que nous courions à la catastrophe en 2017, et notre vision s’est soldée par une réalité glaçante : nous avions raison.

La guerre a longtemps été suscitée par la mesure d’une “guerre civile raciale” par l’extrême-droite. Or, nous sommes pleinement dans une guerre qu’ils soutiennent sans crainte : la guerre de classe totale.

L’autocrate de l’Élysée a créé une situation de crise en gouvernant seul dans son bureau tel un monarque absolu. Or, Louis XVI face à une crise de la dette publique s’est résolu d’en terminer des “privilèges” le 4 août 1789. Une grande réforme fiscale s’impose afin d’abolir les privilèges recréés par les conservateurs, comme le souligne Pierre Serna dans TV5Monde :

Il existe des formes de privilèges réinventés par le système actuel. Entendons par “privilège” la liberté d’agir en fonction de sa richesse, de transmettre au sein d’une même famille, et donc de reproduire une élite.

Le recul de l’État s’est accéléré depuis 2017, et l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. L’ascenseur social est bloqué. La construction de dynasties familiales est prouvée par toutes les études, lorsque l’on regarde l’origine sociale des étudiants des grandes écoles.

Par ailleurs, les privilèges sont transmis de famille en famille. Le président Sarkozy a tout fait pour que les biens transmis reviennent davantage à la famille, pour que l’État ait le moins de possibilités d’avoir une part de l’héritage. Et s’il n’y a pas redistribution de la richesse nationale, il n’y a pas de possibilités d’assurer ce qui était une lutte volontaire de l’État contre la construction permanente des privilèges.

L’impôt n’est plus progressif au travers des avantages et des privilèges des niches fiscales. Au total, d’après la Cour des comptes, elles sont évaluées à 94,2 Mds d’euros pour 2022, alors que l’impôt sur le revenu génère 86,8 Mds d’euros en 2023. Mécaniquement, les avantages sont supérieurs à ce que les impôts génèrent. De cette manière, les trois facteurs d’impôts et de taxes qui génèrent les recettes sont : d’Impôt sur les Sociétés, la Taxe sur la Valeur Ajoutée et la Cotisation Sociale Généralisée, et le reste pour les collectivités.

À cela, s’ajoute une fraude fiscale colossale de l’ordre de 80 à 100 Mds d’euros selon les différentes sources. La rupture du pacte républicain ne semble guère choquer les tenants du néolibéralisme, puisque la République, à leurs yeux, sert de modèle tout répressif, mais jamais d’un modèle protecteur dans l’esprit de 1789. La guerre des plus aisés passe par cette fraude. Or, il s’agit d’un manque viscéral pour les recettes publiques générant un déficit public important. Les néolibéraux ont une approche : “trop d’impôts tuent l’impôt”. Même lorsque l’impôt est ridiculement bas, ils ne veulent plus payer d’impôts.

Pour autant, on ne cesse de rabâcher sur les longueurs d’onde que le problème proviendrait d’un déficit excessif lié à une mauvaise conjecture d’où le dérapage des recettes de plusieurs dizaines de milliards d’euros, alors qu’il provient d’une mauvaise gestion budgétaire. Or, l’un des dogmes de l’extrême-centre repose sur le refus de la hausse des impôts et la baisse systémique de ces derniers. Cela implique une baisse des recettes alors que les dépenses augmentent et creusent le déficit. L’augmentation de ce dernier est arrivée à un tel stade que nous sommes en procédure de déficit excessif liée à la Commission européenne pour sa mauvaise gestion des comptes publics. Elle demande quelques milliards de pénalité, cela apparaît comme une contradiction puisque cela amènerait à augmenter les déficits. Les solutions conservatrices ont les mêmes effets qu’au Royaume-Uni : un déficit qui dérape. Pourtant, les solutions proposées par le bloc conservateur sont les mêmes que le bloc centriste et de l’extrême-droite. On se doute bien que les conséquences vont plonger vers la hausse du déficit et la hausse de la dette publique qui ironiquement promette de les réduire.

La tradition révolutionnaire de 1789 est souvent méprisée, puisque historiquement, elle se situe dans le mouvement contre-révolutionnaire monarchiste, puis bonapartiste, boulangiste et in fine pétainiste. De cette façon, ils n’ont toujours pas digéré le fait que les privilèges ont été abolis et, de cette façon, ils les ont transformés en avantages. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une gestion cacophonique de leurs responsabilités. Les responsables tentent de se dévoyer de leurs responsabilités au nom de l’économie de marché. L’idée tente de se mettre dans le cadre d’une action publique contre les pauvres. Cette rupture républicaine à travers un schisme s’inscrit dans une action séparatiste, mais elle est considérée comme légale.

De cette façon, la “république unitaire” commence à se fractionner progressivement à travers les mesures budgétaires défavorisant les classes populaires et moyennes. Les baisses d’impôts des entreprises et des classes aisées ont été soutenues par les classes moyennes. De cette manière, l’équité de tous devant l’impôt soulève de nombreuses questions, puisqu’une classe particulière est avantagée au mépris des autres. Le ras-le-bol fiscal devient une abstraction lorsque les citoyens doivent payer les impôts pour une classe particulière qui n’en paie pas ou très peu. De cette façon, la classe aisée, à travers l’optimisation fiscale, se retrouve peu sujette à contribution publique afin de satisfaire les besoins de l’État. De cette manière, nous retrouvons une certaine forme de fonctionnement du féodalisme où le tiers-état payait pour la noblesse et le clergé. La République, par ses principes et ses valeurs, s’est dissoute progressivement, alors que l’extrême-centre se targue de défendre les valeurs républicaines.

La restructuration des dépenses publiques implique notoirement une restructuration des recettes publiques. La fête est finie et elle ne peut plus durer. Les ayatollahs de l’économie orthodoxe ont créé un vide sans fond et plongé le pays au bord du précipice. Le pays risque, à terme, à travers cette stratégie, la banqueroute et le défaut de paiement. Qui aurait pu le prévoir ? L’ensemble des classes populaires et moyennes qui charbonnent pour des quelques sous pendant qu’une minorité mange aux frais de la princesse comme Laurent Wauquiez si prêt à admettre l’assistanat. De cette façon, on peut se poser des questions sur l’ancrage dans le quotidien des Français… Ce sont les mêmes qui parlent de “lutte des classes moyennes“, mais ce sont les premiers à faire payer aux classes moyennes leurs repas luxueux.

Les classes moyennes s’avèrent être une émanation des classes populaires, mais la rhétorique de l’assistanat des pauvres remporte progressivement une popularité sur la toile notamment au sein de l’extrême-droite qui porte le même discours de guerre contre les pauvres que l’extrême-centre et la droite nationaliste. Pendant ces temps-là, les plus aisés sont bien protégés par le “bloc bourgeois”.